1984, fiction ou prophétie ?

Origine de ce topic :



Bonne idée @blahmeuh !

Je pense que de nombreuses fictions ont été ensuite considérées comme des prophéties, souvent parce qu'elles ont été pensées/écrites par des êtres humains qui les ont imaginées sur la base de leur expérience de la vie entre êtres humains. Sur la base de leurs peurs, de leurs désirs, de ce qui peut paraître imaginable...

Je veux dire par là que ce ne sont pas des prophéties dans le sens de "révélations". Pas de magie divinatoire. Ce sont surtout des hypothèses imaginées dans un esprit de probabilité.

Par exemple, à l'occasion de l'éclipse solaire totale d'août 1999, j'avais confié aux membres présents de ma famille qu'un jour on pourrait prendre des photos avec nos téléphones et les envoyer instantanément à "l'autre bout" du monde. Et j'avais ajouté que cela permettrait aux journalistes d'envoyer leur travail à leurs rédactions avant qu'ils se fassent confisquer leurs pellicules, en zones sensibles.

Ce n'était pas une révélation, une prophétie. Mais juste une anticipation sortie de mon imagination.

Cf les Simpson
Aka
Les Simpson l'ont déjà fait.

Dans mon raisonnement initial, je pense qu'il y a un biais sur le concept d'opposition.
Fiction et prophétie n'entre pas forcément en opposition.

Je pense que les œuvres fictionnelles sont des extrapolations de notre champ de connaissance au moment de la conception de l'oeuvre.
Nous suivons des chemins et face à la multitude d'oeuvres fictionnelles, certaines peuvent, à postériori, se révéler prophétique.

Après, il y a la téléréalité. Oeuvre de fiction, souhaitée non prophétique ^^

Il n'y a pas une confusion entre prophétisme et avant-gardisme ?
- Une prophétie c'est comme un mur que quoi qu'il en soit tu te le prendras. (Religieux)
- Avant-garde c'est "si tu freines pas plus tôt, tu vas prendre le mur". (Logique scientifique)
Quoi qu'il en soit le mur on risque de le prendre...enfin pour le moment c'est mal barré pour l'éviter. (ma vision)

A mon avis il était surtout en train d'extrapoler à partir de ses propres expériences. D'une le fait d'avoir été lui même sur le front avec un mouvement qui s'est vu trahir par les forces soviétiques qu'ils pensaient de leur côté, mais peut-être surtout sa familiarité avec le ministère de l'information britannique (propagande et censure quoi),  où sa femme a travaillé pendant la Seconde guerre mondiale. Souvent la science fiction c'est plus un commentaire sur la société du moment et pas vraiment une tentative d'imaginer l'avenir à proprement parler.

Pour moi ça marche un peu comme les rêves prémonitoires : sur 1000 rêves différents que tu vas sortir de ton imagination, la plupart s'inspirent de la réalité ou de notre vécu. Parmi toutes ces possibilités, il arrive que l'une d'entre elle se vérifie, là où les 999 autres vont rester des fictions.

Citation :

Oui et non, a force de raconter des conneries on fini toujours par tomber juste à un moment (un peu comme les complotistes :D).

La SF n'est pas prophétique, même a posteriori. Par contre elle peut être visionnaire ou remarquable par sa capacité à parler de réel au coeur d'une fiction (qui parfois n'en est pas tellement une).

Comme l'a dit alfosynchro la prophétie fonctionne comme une sorte de révélation. Elle est liée au mysticisme, aux Mystères, à l'irrationnel, à l'inexplicable. Même quand elle vient d'une source identifiable dans le réel (une pythie, un medium, un texte ancien et oublié, etc), la source de la prophétie est hors du champ de notre compréhension car on ne sait jamais vraiment son origine, ou alors on lui donne une origine indicible (une divinité par ex). La prophétie est un ressort usuel des récits merveilleux et elle traduit une vérité autoréalisatrice : le principe même de prophétie implique qu'elle ne peut normalement pas être évitée, la seule variable envisageable repose sur la manière dont on l'interprète (parce que bien évidemment une prophétie n'est jamais clairement énoncée ou jamais exhaustive, allez savoir pourquoi).

La SF n'a rien de mystique, sauf dans les cas où l'écrivain(e) opère volontairement un mélange des genres, et la SF ne vise pas non plus, à l'origine, à proposer une vérité autoréalisatrice.

Dans ses premières formes, la SF s'inspire du réel et l'extrapole avec deux objectifs principaux : divertir et sensibiliser. Divertir en racontant un récit plaisant, inventif, qui fait souvent voyager et rêver. Sensibiliser en parlant des avancées scientifiques et des dérives possibles ou en cours générées par les humains. Même si c'est un genre polymorphe qui peut donc aussi intégrer le surnaturel ou le mysticisme, le coeur de la SF repose sur la rationalité, l'observation du réel et les hypothèses qui en découlent pour se projeter dans une fiction possible parmi des centaines ou des milliers d'autres. La SF propose donc un scénario envisageable parmi de nombreux autres, mais n'a pas vocation à exprimer une vérité autoréalisatrice. D'ailleurs, beaucoup d'écrivains de SF n'aiment pas qu'on les qualifient de prophètes ou que l'on qualifie leurs oeuvres de prophétiques.

Voyage au centre de la Terre, Elysium, Farenheit 451, I, Robot, Ravages, La machine à explorer le temps, La nuit des temps, L'anneau monde, Les Furtifs, sont quelques exemples parmi beaucoup d'autres de ces caractéristiques de la SF.

1984 fait partie de ces récits remarquables par leur capacité à décrire le réel tout en l'incluant dans une fiction, et à manipuler des concepts parfois visionnaires, même si finalement dans ce livre Orwell est moins visionnaires que d'autres. Les thèmes développés par Orwell (manipulation de masse, question de la vérité, utilisation de la technologie à des fins politiques, autoritarisme et totalitarisme, eugénisme...) sont déjà traités de manière plus ou moins développée dans des oeuvres de SF plus anciennes (Nous autres de Zamiatine en 1920 ou Le meilleur des mondes de Huxley en 1932 entre autres). Et on peut aussi dire que 1984 est tellement proche de la réalité des totalitarismes des années 30-50 que c'est à peine de l'anticipation, même s'il place son récit dans le futur.